Vendredi soir, alors que David et moi faisions la reconnaissance du parcours de la Coupe Canada de Sherbrooke, j’ai eu une impression de déjà-vu. Il y avait des petites foules de gens rassemblées à la fameuse “drop” puis au “step-up” qui sont si synonymes du parcours de Sherbrooke. Autour de ces deux obstacles, une sensation de nervosité et de fébrilité dans l’air étaient palpables. J’ai eu un flash de nostalgie.
Je me suis revue en 2013, à ma première année de retour en vélo de montagne. Cette année là, les Jeux du Canada avaient lieux à Sherbrooke et c’était un gros objectif pour moi. Mais avant de penser à la qualification, je devais tout d’abord conquérir ces deux gros obstacles…À ce moment là, je savais que j’avais un peu de retard sur mes compétitrices qui faisaient le circuit depuis plusieurs années. Ma philosophie était donc que je devais apprendre vite. Ceci dit, malgré la peur et le stress que me procuraient ces deux obstacles, j’avais décidé qu’il fallait absolument que je les roule, et ce, plus tôt que plus tard. Une semaine avant la course de qualification, nous sommes donc allés au parcours avec un ami pour se pratiquer. Je me rappelle encore le feeling… J’étais clippé sur mon vélo, accrocher après un arbre à quelques mètres de la drop, et je visualisais le saut. Mon coeur battait à 180bpm et je ne bougeais même pas. Finalement, je me suis élancée. Quel rush d’adrénaline! Disons que cette année, 8 ans plus tard, le stress n’était pas aussi grand, mais j’avoue que le step-up est encore impressionnant!
Cette année là à Sherbrooke, lors de la qualification pour les Jeux, j’avais complètement “fouerré” ma course et je ne suis jamais allé aux Jeux du Canada. Ça semblait comme la fin du monde à ce moment là. Dans les éditions suivantes de la course de Sherbrooke, j’ai eu une performance potable mais difficile en terminant deuxième une année lors d’une coupe Québec...avec toute la pression du monde que je me mettais sur les épaules parce que j’avais signé un contrat pro alors je me DEVAIS de gagner une course de niveau provinciale. Plus tard lors d’une autre édition, j’ai abandonné la course parce que j’avais trop chaud (pas fort, j’aurais juste dû plus m’arroser). Puis, une autre fois, j’étais tellement excitée et peu concentrée lors de la reconnaissance que j’ai glissé sur une racine et je me suis fait mal au bras alors je n’ai pas fait la course le lendemain…
En quelques sortes, on pourra dire que ça m’aura pris 8 ans avant d’enfin faire une bonne course à Sherbrooke et de remporter la coupe Canada! Si on m’avait dit en 2013 que ça prendrait aussi longtemps, j’aurais probablement abandonné. Par chance j’ai eu quelques autres bonnes courses lors de d’autres événements qui m’ont gardé motivée — En 2013, par exemple, après mon échec des Jeux du Canada, je m’étais retroussé les manches et quelques semaines plus tard, je me suis qualifié pour les championnats du monde, où j’ai finalement terminé 9e. Un revirement de situation! Mais il reste que ça fait seulement 2-3 ans que j’arrive à performer à la hauteur de mes capacités de façon plus constante…et encore là, j’en échappe quand même une fois de temps en temps!
Je partage ceci parce que, pour plusieurs jeunes, la course de ce weekend comptait pour leur qualification pour les championnats du monde, alors encore une fois, ça me ramenait à mon expérience en 2013.
Toutes les émotions étaient palpables dans l’aire d’arrivée de la course Junior ce weekend — certains avaient réussi leur qualification, et d’autres venaient de passer à côté. Je me suis retenue sur le moment parce que chacun doit vivre ses émotions comme il a besoin, mais j’avais envie de partager quelque chose avec eux.
De retourner sur les lieux 8ans plus tard m’a non seulement donné un bon coup de vieux, mais m’a rappelé de bons souvenirs sur le chemin que nous avons parcouru depuis. Ce qui me semblait être le plus gros échec du monde à ce moment là est maintenant une petite goutte d’eau dans notre parcours… Un bel apprentissage qui m’a aidé pour le reste de ma carrière, et définitivement pas mon dernier échec ou ma dernière déception!
Le sport de compétition, par définition, c’est un peu de se comparer aux autres. Alors des fois c’est tentant de regarder autour de nous et de voir d’autres athlètes qui gagnent tout à un très jeune âge, et on se dit qu’on devrait nous aussi gagner et suivre la même progression. On se “tape sur le clou” et on se dit qu’on n’est pas à la hauteur parce que notre progression est plus lente. Dans mon cas, j’ai signé un contrat pro très tôt dans ma carrière, puis, autant que cela m’a ouvert beaucoup de portes et d’opportunités, je me suis aussi mis une pression incroyable sur les épaules dès le début de ma carrière. Une pression que j’ai eu énormément de difficulté à gérer.
Avec un peu de recul, j’arrive à comprendre que tout le monde n’a pas la même progression. Certains gagnent des coupes du monde à 20 ans, et pour d’autres ça prend plus de temps avant de bien se connaître et arriver à se gérer et performer à la hauteur de nos capacités. Bien souvent, ce n’est pas le manque de forme le problème, mais bien le manque d’expérience. Autant que la compétition nous amènent à se comparer aux autres, la comparaison peut parfois nous empoisonner et nous empêcher d’avancer.
Enfin, je partage tout cela ce matin parce que, toute cette nostalgie offerte par la Coupe Canada de Sherbrooke me fait réaliser une chose. Si je pouvais dire quelque chose à la Magh de 2013, ce serait ceci: “Vis tes déceptions comme tu en as besoin. Mais assure-toi de célébrer tes petites victoires. Même si ce n’est pas une victoire sur la plus haute marche du podium, si tu as réussi à vaincre tes propres démons aujourd’hui, ou à remporter une petite bataille à l’intérieur de la course; célèbre-le.” C’est trop facile de seulement voir les échecs, et les endroits où on aurait pu faire mieux. C’est correct de le noter et de travailler à s’y améliorer. Mais si on ne célèbre jamais les petites victoires, ça devient vraiment démotivant, et vraiment difficile. C’est pas pour rien que j’ai abandonné le vélo de montagne 200 fois depuis les 8 dernières années ;)
En terminant, je voulais écrire une petite note pour célébrer le fait que le vélo de montagne est tellement en vie ici au Québec! À St-Félicien, tout comme à Sherbrooke, c’était si cool de voir autant de famille camper, autant de jeunes tripper à faire la course et à encourager….WOW! On dirait que vous me redonner la fièvre du vélo de montagne ;)